Une fermière-fleuriste en hiver – les tâches hors-saison

On me demande très souvent si je suis en vacances tout l’hiver. La réponse est malheureusement non! Je prends congé pendant le temps des Fêtes, mais début janvier, je suis de retour au travail. Bien que le rythme soit ralenti pendant la saison hivernale, il y a beaucoup de choses à préparer avant que la neige fonde! Par ailleurs, de mon côté, j’ai choisi de garder ma boutique à longueur d’année. Je préférais étaler mes ventes plutôt que de devoir trop compter sur l’été et finir la saison complètement épuisée. Il y a autant de façons d’occuper son hiver que de fermières-fleuristes au Québec. Dans cet article, je vous présente ma version.

Planifier la saison plusieurs mois avant
La tâche principale de l’hiver est de planifier! Les semences doivent être achetées de plus en plus tôt. Quand j’ai commencé, on pouvait se les procurer en janvier et même février et avoir encore de beaux choix. Face à l’engouement envers la culture florale, on doit maintenant commander en novembre et décembre. Ensuite, il faut planifier les jardins. Mes espaces de culture changent chaque année, car je fais des alternances et j’agrandis chaque année. Je dessine le tout sur papier et je place mes fleurs. Après quelques années, certaines choses sont plus automatiques. Je sais combien de zinnias (ou n’importe quelle fleur d’un espacement à 9 pouces) entrent dans une planche par exemple. Mais dès que j’ai une nouvelle variété ou de nouvelles combinaisons dans une planche, je dois recalculer plus précisément. Toute cette étape permet de commencer précisément le bon nombre de semis. La planification, cela concerne aussi le marketing et la comptabilité. C’est important de prendre le temps d’organiser sa stratégie de vente dès le début de l’année. J’écris des articles de blogue, je trie mes photos, je mets à jour mon site web…
C’est aussi en hiver que plusieurs mariages se réservent dans mon calendrier. Dès qu’il y a une installation à monter sur place (arche, table d’honneur…) ou que le budget floral est d’un montant supérieur à 500$, je ne prends qu’un mariage par weekend. Pour chaque demande, je détaille une soumission personnalisée – avec photos en appui. Cela prend plusieurs heures à compléter.

Enfin, en hiver, on planifie la saison prochaine en se documentant sur de nouvelles connaissances. C’est à ce moment-là que je lis le plus de livres et blogues et que je suis des formations virtuelles ou en personne. En plein été, je n’ai pas le temps d’aller lire des informations, je suis trop dans l’action. Cette année, je vais suivre une formation sur la culture en serre donnée par l’UPA. J’ai aussi reçu en cadeau le magnifique livre de Sarah Raven – A Year full of flowers. Je passe beaucoup de temps à regarder des démos de créations de bouquets ou autres arrangements sur les médias sociaux. J’essaie d’emmagasiner le plus de nouvelles techniques!
Démarrer les semis – plus tôt qu’on le pense!
Quand on débute dans la culture florale, la majorité de semis se démarre fin mars et même avril. En gagnant de l’expérience, on peut aller chercher des variétés différentes qui demandent plus de temps de croissance. Alors la période des semis débute dès janvier! Début janvier, je commence les eucalyptus et les lisianthus. Après en février, il y a les œillets, les anémones, les renoncules. Et en mars, c’est parti pour le grand rush avec des fleurs à semer chaque semaine jusqu’à début mai!

Vente de fleurs en hiver – proposer une alternative plus écoresponsable
Dès le départ de mon entreprise, j’avais décidé de continuer à travailler l’hiver. Oui, j’avais comme vision avant la pandémie que j’allais voyager plus et voir mes amis pendant cette période calme. Mais je comptais continuer à participer à des événements hivernaux et j’avais plusieurs idées pour ma boutique en ligne. Certaines fermes florales se mettent en pause – à part pour la planification – pendant plusieurs mois. Je trouvais ça important de continuer à travailler pour deux raisons :
- Je voulais répartir la charge de travail sur toute l’année.
- Je trouvais ça important de proposer un choix plus écoresponsable aux consommateurs.
Au printemps et à l’été, c’est quand même facile de convaincre les Québécois d’acheter des fleurs locales au lieu de l’étranger. Elles sont tellement plus belles et naturelles! Mais l’hiver… qu’est-ce qu’on fait quand on a envie de fleurs? On peut difficilement demander aux gens de se priver pendant 6 mois. Comme pour les petits fruits en hiver, les gens ont envie de vitamines et de couleurs dans leur assiette. Alors pour arriver à changer les mentalités, il faut leur proposer une alternative à la framboise du Mexique. Par exemple, j’ai réussi il y a quelques années, à cesser complètement mes achats de petits fruits en hiver, quand j’ai commencé à les congeler moi-même l’été.

L’hiver, il y a la St-Valentin, la fête la plus importante de l’industrie florale (à égalité avec la fête des Mères). Selon moi, on ne peut pas demander aux amoureux de cesser du jour au lendemain de s’acheter des fleurs. En leur proposant des fleurs séchées ou même des fleurs cultivées en serre au Canada, on transforme les mentalités avec douceur. Les fleurs cultivées en serre au Canada consomment de l’énergie, mais on est loin de la catastrophe des roses d’Amérique latine au niveau écologique, mais aussi au niveau humain. De mon côté, j’ai choisi de proposer des fleurs séchées à la St-Valentin, mais aussi pendant tout l’hiver. J’ai aussi développé une offre pour les mariages d’hiver avec des fleurs séchées, ou des fleurs canadiennes et du feuillage de saison.

Après la St-Valentin, il y a Pâques. Selon les années, cette fête arrive en plein hiver ou au début du printemps. Dans tous les cas, il n’y a pas encore de fleurs dans les champs! Par contre, certaines fermes florales réussissent à forcer les tulipes à fleurir quelques semaines plus tôt. On peut donc fleurir notre tablée pascale sans compromis sur nos valeurs écoresponsables!
Dans tous les cas, je suis très heureuse de pouvoir vivre des saisons si différentes. J’aime que mes tâches se transforment selon les saisons. Pendant le cœur de l’hiver, j’avais toujours tendance à hiberner, car je supporte très mal le froid et le manque de luminosité. Que mon métier me demande à ce moment-là de rester à la maison pour planifier, écrire et rêver, ça a beaucoup de sens. Puis, quand les jours rallongent de mars à juin, j’ai un regain d’énergie et je peux le mettre à profit pour le rush des tâches du printemps. Je suis plus en symbiose avec mon cycle naturel.

Vous avez aussi hâte au printemps que moi? Abonnez-vous dès à présent aux plus belles fleurs tout au long de la saison 2022. Alex à la campagne, c’est une petite production de fleurs uniques, colorées, naturelles et respectueuses de la nature.